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Quel lien entre pratiques d’achat et de financement, personnalisation des formations et innovation dans les logiques formatives ?

Les résultats de l’étude qualitative conduite par Amnyos pour le compte de France compétences ont été rendu publics au printemps dernier, et ont alimenté une récente note de France compétences sur les freins à l’individualisation des parcours de formation.

Dans un contexte où les organismes de formation sont fortement incités à individualiser les parcours, renforcer la qualité et l’efficacité des processus d’apprentissage, ainsi que l’appétence et l’engagement des formés, France compétences a souhaité analyser les motifs expliquant que cette ambition peine à se concrétiser.​ L’étude confiée à Amnyos avait pour objet d’analyser en quoi les pratiques d’achat et de financement de la formation professionnelle contribuent à déterminer les logiques formatives mobilisées par les prestataires de formation, et plus particulièrement de repérer quels pouvaient être les facteurs favorables ou défavorables à un déploiement plus massif de logiques formatives réputées vertueuses, telles que l’ajustement personnalisé du contenu, de la durée et du calendrier des formations, ou encore la diversification et l’hybridation des modalités d’apprentissage…​ 

L’étude a pris appui sur la réalisation de 18 études de cas approfondies, permettant le recueil et le croisement de témoignages de financeurs et d’acheteurs. La sélection des études de cas a été réalisée pour composer un échantillon varié de prestataires, de financeurs, de formation et de configurations d’achat (achat collectif, subvention, prise en charge financière…), permettant d’étudier les pratiques sur la base de situations et d’interaction réelles, finement contextualisées et documentées.​

L’étude rappelle que le déploiement des logiques formatives recherchées dépend en partie de facteurs sur lesquels acheteurs, financeurs et organismes de formation, ne disposent que de marges d’action limitées. Ainsi, au travers des référentiels de certification, cahiers des charges d’agrément, ou règlements, les certificateurs peuvent parfois encadrer fortement les logiques formatives. Ils peuvent encourager et faciliter certaines logiques formatives, mais le cadre des certifications est parfois perçu comme très contraint par les OF et les acheteurs. Par ailleurs, l’univers professionnel de chaque formation, les particularités des objectifs et compétences visées, les caractéristiques des stagiaires, orientent fortement le recours à certaine logiques formatives. Les caractéristiques internes spécifiques à chaque OF jouent beaucoup également : leur positionnement sur le marché de la formation, la taille critique de l’organisme, sa situation économique ses ressources humaines, conditionnent fortement leurs capacités à proposer des logiques formatives personnalisées ou hybridées, et à investir pour en développer de nouvelles.

La place donnée aux logiques formatives dans le cadrage de la demande de formation constitue un premier levier sur lequel acheteurs et financeurs peuvent jouer. Un consensus des acheteurs et financeurs est relevé sur l’intérêt de recourir à des pédagogies actives et à des mises en situation, ou encore d’exploiter pédagogiquement les dynamiques de groupe, que les acheteurs encouragent et dont les prestataires se saisissent. Au-delà, l’ambition très partagée par les acheteurs et financeurs d’une d’individualisation des parcours de formation (contenu, durée, pédagogie) masque en fait une grande variété de conceptions et d’exigences, qui peut mettre les prestataires en difficulté, notamment lorsque certaines demandes et contraintes sont difficiles à concilier. De même, si la formation à distance et l’hybridation pédagogique préoccupent beaucoup les acheteurs et financeurs, ils l’appréhendent de manière très variable, souvent imprécise, parfois de façon contradictoire. Globalement, les prestataires interrogés regrettent souvent le manque de latitude que leur laissent les acheteurs pour définir et adapter les logiques formatives.

L’étude montre également en quoi le choix par l’acheteur et le financeur des modalités d’achat et des leviers de la rémunération du prestataire de formation, contribuent à façonner les logiques formatives que ce dernier propose. Ainsi, le passage par l’achat collectif et le marché, qui détermine à la fois la logique d’ajustement de l’offre à une demande de formation énoncée a priori et un mode de sélection dans lequel le prix pèse plus ou moins fortement, favorise plutôt le déploiement de logiques formatives dont le modèle économique est éprouvé et mobilisable sur de gros volumes, au détriment de pratiques pédagogiques nouvelles ou de parcours très personnalisés et variables. De même, le choix de l’unité d’œuvre pour la rémunération de l’OF a un impact sur la faisabilité économique de la personnalisation des parcours de formation, et tant la formule du coût horaire que celle du forfait-parcours présentent des limites dans leur capacité à concilier responsabilisation et sécurisation économique du prestataire. Les acheteurs ne sont pas toujours en capacité de garantir au prestataire le seuil critique d’activité et de rémunération nécessaire pour que ce dernier puisse envisager un modèle de formation personnalisable au coût unitaire variable. La mention par l’acheteur de ce qui est inclus dans le prix de la prestation révèle d’ailleurs souvent certains angles morts du financement, ce qui pose ensuite des difficultés au prestataire devant construire le prix et à l’acheteur devant objectiver et comparer des logiques formatives. 

Lorsqu’ils doivent départager plusieurs prestataires dans des achats collectifs, les acheteurs oscillent entre la volonté de ne pas survaloriser le critère prix et leur difficulté fréquente à expertiser les offres sur des critères techniques relevant des logiques formatives. L’étude montre d’ailleurs que même une part mineure du critère prix dans une procédure d’achat n’empêche généralement pas les prestataires de miser essentiellement sur une différenciation par le prix.  Plus largement, le dialogue des acheteurs et financeurs avec les prestataires de formation est contraint par le respect du droit de la concurrence, ce qui a pour conséquence de restreindre les possibilités de discussion et d’ajustement des pratiques. Le fait que l’évaluation de la formation reste peu développée explique également que l’analyse contextualisée et comparative de l’efficacité des logiques formatives soit encore relativement limitée dans ce dialogue, et ne favorise pas l’émergence d’un consensus à ce sujet. Des coopérations entre acheteurs et financeurs gagneraient pourtant se développer, pour faire davantage converger leurs attentes et exigences sur les logiques formatives qu’ils cherchent à encourager et développer, en tirant tout le bénéfice de leur capacité effective à influer sur leur mise en œuvre.

  • Thomas CAPELIER

    Directeur associé

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