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Détention, handicap et travail : évaluation des entreprises adaptées en milieu pénitentiaire

Octobre 2024

Inaugurée fin 2021, la première entreprise adaptée en milieu pénitentiaire a ouvert au centre de détention de Muret (près de Toulouse). 7 autres ateliers ont été lancés depuis, afin de proposer une offre de travail adaptée aux détenus en situation de handicap ayant des difficultés d’accès aux emplois proposés en détention. L’Agence du Travail Pénitentiaire et de l’Intérêt Général a souhaité faire le bilan de la phase pilote de ce dispositif et identifier les conditions de sa pérennisation à plus grande échelle. Nous avons le plaisir de conduire cette évaluation, en immersion dans le milieu carcéral !

31 %, c’est la part des détenus qui travaillent actuellement en France. Le ministère de la Justice souhaite qu’elle atteigne 50 % dès 2027, avec pour objectif de favoriser l’insertion professionnelle à la sortie et de lutter contre la récidive. Il s’agit de massifier mais aussi de diversifier l’offre de travail pénitentiaire, afin de proposer des emplois correspondants à des profils variés, des plus qualifiés aux plus en difficulté. C’est déjà dans cette perspective que des structures d’insertion par l’activité économique sont implantées dans certaines maisons d’arrêt et établissements pour peine depuis 2017. A travers un accompagnement renforcé, elles proposent ainsi des emplois complémentaires à ceux du « service général » (entretien et fonctionnement de la prison elle-même) ou des « concessions » (production en atelier pour un commanditaire externe).

Entrée de l'atelier Muret - vue de l'atelier

La réforme du travail pénitentiaire de mai 2022 amène des changements importants dans ce paysage. Elle introduit une rémunération à l’heure et non plus la pièce et la signature d’un « contrat d’emploi pénitentiaire », qui confère davantage de droits aux détenus (sans pour autant qu’il soit considéré comme un salarié ordinaire). La réforme transforme également le processus de recrutement, dans la mesure où les candidats ne sont plus sélectionnés par l’administration pénitentiaire, mais par l’employeur qui gère l’atelier ou l’établissement. De fait, la concurrence s’est accrue entre détenus et les moins productifs trouvent plus difficilement un emploi.  

Dans ce contexte, l’implantation d’entreprises adaptées en détention vise à « améliorer la prise en charge du handicap en détention et proposer un emploi et un accompagnement spécifique aux personnes détenues en situation de handicap éloignées de l’emploi ». Comme en milieu ouvert, elles doivent employer au moins 55 % de travailleurs reconnus handicapés et proposer une activité professionnelle adaptée aux capacités de chacun. Bien que les contrats d’emploi pénitentiaires signés n’aient pas de condition de durée, l’objectif du dispositif est aussi de créer des passerelles, soit vers la sortie de détention, soit, pour les détenus ayant les plus longs reliquats de peine, vers d’autres emplois pénitentiaires. En plus du volontarisme et de l’expertise des entreprises adaptées en termes d’aménagement de poste, c’est donc également un accompagnement socio-professionnel qui est recherché. 

Or, les entreprises adaptées sont dans une période de questionnement, notamment sur leur rôle en matière de transition vers le milieu ordinaire et sur les moyens et les objectifs dédiés à l’accompagnement social et professionnel. En effet, le terme « entreprise adaptée » recouvre des réalités hétérogènes, impactant nécessairement le fonctionnement et la vision de ces structures. Une mission que nous menons en parallèle pour l’UNEA, sur le processus d’accompagnement socio-professionnel et son outillage, nous permet d’être au cœur de ces enjeux. (voir notre article dédié : https://www.amnyos.com/actualites/professionnaliser-le-processus-daccompagnement-socio-professionnel-au-sein-des-entreprises-adaptees/

Cette évaluation de la phase pilote d’implémentation des entreprises adaptées nous amène à interroger le dispositif sur quatre grands registres d’analyse : 

  • La pertinence et la valeur ajoutée du modèle des EA intégrées en milieu pénitentiaire pour accompagner spécifiquement les détenus en situation de handicap ; 
  • Les conditions et modalités d’implantation et de déploiement du dispositif en phase pilote, dans la perspective d’un essaimage au plan national ;
  • Les effets sur les parcours professionnels des bénéficiaires ; 
  • La soutenabilité financière et opérationnelle et le dimensionnement des moyens mobilisés.

Les résultats de nos travaux sont prévus pour décembre 2024. D’ici là, nous allons observer les entreprises adaptées pénitentiaires lancées en phase pilote et interroger l’ensemble des parties prenantes concernées.

 

  • Frédéric BERTRAND

    Directeur Recherche et Développement

    Pour plus d’information, contactez-moi –mail

  • Elise HAUMONT

    Consultante Inclusion et Handicap

    Pour plus d’information, contactez-moi –mail

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