Actualités
Les éléments de langage contribuent-ils à l’attractivité ?
Pilotée par l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes, cette étude-action s’inscrit dans le plan d’attractivité des métiers du grand âge et de l’autonomie. Son objectif principal est d’améliorer les organisations afin de rendre le travail plus motivant et d’accroître le sentiment de reconnaissance des professionnels. Pour valoriser ces métiers, plusieurs leviers sont envisagés : l’augmentation des salaires dans le cadre du SEGUR de la Santé, l’actualisation des référentiels métiers (AS, AES) et des certifications (IDE, prévue en 2025) ainsi que l’amélioration de la qualité de vie au travail (QVCT) des professionnels, ce qui rejaillira positivement sur la qualité de l’aide, des soins et des accompagnements. La perception des métiers et les mots qui les décrivent peuvent entraîner chez les professionnels un sentiment de perte de sens et d’identité. L’étude-action vise donc à nourrir une réflexion chez les directeurs et manageurs sur les liens entre langage, organisation du travail et pratiques managériales.
Parmi les 17 secteurs professionnels recensés par l’Insee, celui du soin et de l’accompagnement est désigné comme étant le plus en tension depuis 2023. Avec un sous-effectif chronique, le « mode dégradé » est progressivement devenu le mode de travail quotidien des équipes. Les encadrants passent leur temps dans les plannings, à chercher des remplaçants. Au-delà des motifs habituels d’absence, les instituts de sondage et les travaux de recherche en sciences du travail énoncent des causes liées à la perception du travail et des conditions favorables pour le réaliser correctement. Après avoir constaté les faibles effets du Ségur et de l’avenant 43 ainsi que les faibles retombées des stratégies de « marque employeur » au prix d’efforts non-négligeables en communication, les structures peinent toujours plus à recruter de nouveaux professionnels et à fidéliser ceux en poste.
Dire que les solutions sont multifactorielles et qu’elles viendront d’une « Loi grand âge » a jusqu’ici atténué la mise en cause de l’organisation et du management. L’ARS Auvergne-Rhône-Alpes ose ouvrir le débat en choisissant l’angle du langage au travail. Les exemples à l’oral sont légion :
« on est en mode dégradé » alors que cela fait plus d’un an que ça dure ; « c’est une urgence » alors que ça pourrait attendre ; « ben là ça nous tombe dessus » alors que c’était prévisible. A l’écrit, ils saturent le quotidien : « sauf erreur de ma part, je n’ai pas reçu votre rapport » ; « Martine => w-end du 12 » ; « Demain on a 4 AS, restez chez vous ».
Tous les métiers et tous les statuts sont concernés. Les expressions de plainte et d’énervement, voire de colère tournent majoritairement autour d’éléments de langage :
« elle m’a dit » ; « tu sais qu’il m’a dit de… » ; « et tiens, regarde le message qu’elle m’envoie, c’est tout elle, ça », etc. Evidemment il ne s’agit pas seulement de la forme mais aussi du fond de ces éléments de langage. Entrent aussi en compte les supports, les canaux de transmission : « j’ai reçu un message, tu crois pas qu’elle aurait pu m’appeler, non ? » ; « et en plus il a mis ma la cadre en copie, tu te rends compte ? » ; « elle me dit ça entre deux portes, comme si ce n’était pas important ! » ; « heureusement que Marie m’en a parlé parce que sinon je ne l’aurais pas su comme je suis de petite semaine, je serais venue pour rien ».
D’une part, le langage peut être porteur de contradictions et conduire à l’émergence ou au renforcement de risques psychosociaux, surtout dans ce secteur où les professionnels y sont largement exposés. D’autre part, d’autres discours peuvent être porteurs de sens et de reconnaissance au travail, contribuant ainsi à développer l’attractivité et la fidélisation au sein d’une organisation.
Les thématiques travaillées en atelier sont issues d’une immersion terrain. Elles reprennent les activités les plus saturées en éléments de langage dévalorisants ou valorisants :
- Travailler en mode dégradé
- Accueillir dans l’équipe
- Favoriser les occasions d’apprendre
- Tendre vers une organisation responsabilisante
Edités en mars prochain sur le site de l’ARS-ARA, 4 supports (1 par thématique) aborderont les accompagnements réalisés, un résumé de la méthode employée et les effets constatés. Nous faisons le pari que ces « preuves par l’exemple » inciteront les établissements et structures à changer leurs représentations et déclencher des réformes en organisation et management dont les éléments de langage – parce qu’ils entrent en cohérence avec les actes – sont de puissants leviers de QVCT.
-
Xavier MARCHAND
Psychologue du travail, consultant en organisation et développement des compétences pour le cabinet Didaction Conseil, filiale du Groupe Amnyos
Pour plus d’information, contactez-moi –mail